Colère et rage : du signal de survie à la blessure profonde

Dans l’accompagnement thérapeutique, la colère et ses formes extrêmes – la rage et l’anéantissement – peuvent être particulièrement complexes à accueillir et à traiter. Souvent perçues comme des forces destructrices, ces émotions sont pourtant des manifestations naturelles du système nerveux en réponse à des traumatismes et aux défis de la vie.

L’Inhibition et l’Expression de la Colère

Certaines personnes ont appris à inhiber leur colère pour survivre, tandis que d’autres, au contraire, ont dû la laisser exploser. Mais lorsque la colère émerge en séance ou dans nos relations quotidiennes, elle peut être confrontante, non seulement pour la personne qui l’exprime mais aussi pour son entourage.

Un exemple frappant est celui de Barack Obama, qui, en tant que président, ne pouvait pas se permettre d’exprimer sa colère publiquement. Lors d’un discours, il a donc invité quelqu’un à monter sur scène pour représenter cette émotion à sa place.

Ce geste illustre bien comment notre société rejette souvent la colère, la jugeant inappropriée ou dangereuse.

Cependant, la colère peut aussi être projetée sur autrui. Parfois, sans en avoir conscience, nous provoquons les autres jusqu’à ce qu’ils explosent, leur permettant ainsi d’exprimer ce que nous refoulons en nous-mêmes. Ce mécanisme subtil, parfois qualifié d’agressivité passive, montre à quel point nous pouvons externaliser nos émotions pour les rendre plus supportables.

Colère, Rage et Anéantissement : Un Continuum

Il est essentiel de différencier ces états émotionnels, qui s’inscrivent sur un continuum d’activation du système nerveux :

• Frustration : Une irritation légère, accompagnée d’un désir de modifier la situation.

  
  

• Irritation : Une montée en intensité, où le besoin de contrôler ou de réparer devient plus pressant.

  
  

• Colère : Une émotion plus intense qui mobilise de l’énergie pour réagir à une injustice ou une menace.

  
  

• Rage et Furie : Des états d’activation extrêmes associés à la réponse de combat - « tuer ou être tué ».

  
  

• Anéantissement : Une volonté d’éliminer l’autre pour survivre soi-même, une énergie qui, si elle reste non résolue, peut laisser des empreintes profondes.

  
  

Dans le cadre des traumatismes, nous observons souvent deux tendances : soit l’individu inhibe complètement son agressivité et sa capacité d’affirmation, soit sa rage est constamment à la surface, prête à exploser à la moindre provocation.

L’Impact du Trauma sur la Régulation Émotionnelle

Lorsqu’un événement traumatique survient, le système nerveux bascule en mode survie, oscillant entre hyperactivation et hypoactivation :

• Hyperactivation : Mobilisation de l’énergie pour combattre, fuir ou rester figé dans une tension extrême.

  
  

• Hypoactivation : Mise en veille du système, entraînant une sensation de vide, une perte de tonus musculaire et une dissociation.

  
  

Dans ces états, la colère peut être soit exprimée de manière explosive, soit complètement contenue, voire retournée contre soi sous forme d’auto-agression.

L’Interaction avec les Autres : Éviter d’Attiser le Feu

Lorsque nous sommes en contact avec une personne en colère, notre propre système nerveux réagit. Nous pouvons alors adopter différentes stratégies de survie :

• Combattre : Entrer en confrontation directe, alimentant ainsi l’escalade du conflit.

  
  

• Fuir : Chercher à éviter la situation en se retirant.

  
  

• Se figer : Se sentir paralysé, incapable de répondre.

  
  

• Phoning (apaisement forcé) : Tenter de calmer l’autre pour faire cesser la colère, souvent au détriment de nos propres besoins.

  
  

Si nous ne sommes pas conscients de nos réactions, nous risquons de renforcer involontairement la dynamique de la colère chez l’autre, notamment en réagissant de manière défensive ou en tentant de minimiser son émotion.

La Colère et le Besoin de Réalité

Un phénomène fréquemment observé en addictologie met en lumière un besoin fondamental : celui d’être reconnu comme réel.

Beaucoup de patients en addiction ont grandi avec des parents absents, émotionnellement indisponibles ou traumatisés. Ne pouvant pas « pousser » contre ces figures parentales pour tester leur propre existence, ils recherchent, à l’âge adulte, des interactions où ils peuvent provoquer une réaction tangible.

Comme un enfant de deux ans qui teste les limites de ses parents en disant « non », ces adultes cherchent inconsciemment un retour d’opposition pour confirmer leur propre réalité. Lorsqu’un thérapeute est capable de rester présent face à cette poussée, sans s’effondrer ni réagir de manière défensive, il offre un espace où la personne peut enfin sentir qu’elle existe.

Colère et rage : du signal de survie à la blessure profonde

Comprendre la colère et ses manifestations extrêmes demande de reconnaître leurs racines traumatiques et de développer une capacité d’accueil sans projection ni jugement. Accueillir la colère et la rage comme des signaux de survie plutôt que comme des menaces ouvre la possibilité d’une transformation profonde.

En tant que thérapeutes et accompagnants, notre responsabilité est d’explorer notre propre rapport à ces émotions pour offrir un cadre où elles cessent d’être destructrices et deviennent une force protectrice et réparatrice.

Laurence Sanchez - Thérapeute & Clairvoyante

J’accompagne depuis plus de 15 ans des personnes qui portent des blessures profondes : attachement insécure, anxiété, épuisement émotionnel. Mon approche relie corps, système nerveux et émotions, pour nourrir pas à pas un sentiment de sécurité intérieure.

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