RESTER ET CROIRE
Je reste chez moi devant la rue vide et froide
où l’été on brise des verres de bière et des cœurs de jeune fille
je reste chez moi le nez planté dans un ciel gris
où les nuages sont désertés par leurs pluies,
Immobile et casanière
je crois pourtant aux jungles et aux déserts,
je crois aux prairies, aux montagnes éternelles je crois
aux lignes hallucinées des lointaines rizières
je crois aux champs de blé ravagés par la nuit
je crois aux nuits ravagées par l’aurore
je crois que tout ce qui a disparu
trouve le moyen d’exister encore
Je reste chez moi dans cet endroit où je n’entends que le vent
le ronflement du chien, parfois une voiture au loin
et toujours les grands arbres qui ne méritent pas
d’être enfermés dans un jardin
Je reste, la vie tremble et hurle et danse et convulse
autour de moi
on me dit qu’avancer est la seule façon d’être vivant
il faut choisir entre vivre plus fort ou plus longtemps
je crois aux solitudes attachées ensemble solidement
je crois aux rencontres qui vous donnent
du silence et du temps
je crois aux amis qui savent faire la différence
entre un amour et un amant
je crois au langage des timides
à la douceur insoupçonnée des endroits
désertés avant l’arrivée du printemps
Je reste là, croire est une chose facile
quand on déniche dans le gris d’hiver
la nuance de bleu allongée de travers
l’ombre qui provoque la lumière
croire est une chose facile
quand on sait que tout sera refait
en mieux
par des gens moins fragiles
Je reste là
ravie d’être
absolument inutile
Coulon Cécile
Comments