Le corps perd ses repères : comment la dépression modifie les émotions.
- Laurence Sanchez

- il y a 5 jours
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Le corps perd ses repères : comment la dépression modifie les émotions.
Il existe un mouvement intérieur que nous percevons rarement :
le dialogue constant entre le cerveau et le corps.
Ce dialogue silencieux - pulsations, tensions, variations de chaleur, contractions digestives - façonne nos émotions bien plus que nous le pensons.
Dans la dépression, c’est tout l’équilibre émotionnel qui vacille.
Le corps comme premier messager
Fermer les yeux, sentir son cœur…
Certains y parviennent en quelques secondes.
D’autres ne sentent rien du tout.
Cette capacité à percevoir ce qui se passe à l’intérieur s’appelle l’intéroception.
Elle regroupe :
les signaux du cœur,
de la respiration,
du ventre,
de la température interne.
Ce n’est pas un détail de physiologie :
c’est le socle de l’expérience émotionnelle.
Dans un état équilibré, le cerveau lit ces signaux et ajuste :
le rythme cardiaque, la respiration, l’attention, l’énergie.
C’est ainsi que nous savons - parfois sans le savoir - que quelque chose va bien ou mal.
Quand la dépression trouble ce langage intérieur
Dans la dépression, ce système de détection devient moins précis.
Ce n’est pas une impression.
C’est mesurable.
Les personnes dépressives disent :
sentent moins bien leur rythme cardiaque,
détectent moins finement leurs sensations internes,
perçoivent leurs signaux corporels comme flous ou chaotiques.
Parfois même :
le corps est vécu comme étranger,ou comme un fardeau qui ne répond plus.
Émotions brouillées, perceptions déplacées
L’intéroception influence directement ce que nous ressentons.
Un cœur qui s’accélère lors d’un jogging ne provoque aucune inquiétude.
Mais un cœur qui s’accélère sans raison apparente peut être perçu comme une menace.
Le cerveau compare constamment :
“ Ce que je sens ”
avec
“ Ce que je devrais sentir dans ce contexte ”.
Avec la dépression, les signaux internes perdent leur cohérence.
Le monde paraît imprévisible.
Et les émotions deviennent difficiles à interpréter.
On peut alors :
ne plus savoir si on est triste ou simplement épuisé,
confondre anxiété et changement de rythme cardiaque,
ne plus comprendre ce qui nous traverse.
L’énergie : un calcul qui se dérègle
Un concept scientifique éclaire particulièrement cette expérience : l’allostasie.
C’est la capacité du corps à anticiper ses besoins énergétiques.
En temps normal, le cerveau prédit : combien d’énergie il faudra pour
se lever,
marcher,
accomplir une tâche,
rencontrer quelqu’un.
Mais dans la dépression, ce calcul devient erroné.
Le cerveau surestime le coût.
Sous-estime les récompenses.
Et conclut qu’il vaut mieux ne pas bouger.
Ce mécanisme explique une partie de l’asthénie dépressive :
cette fatigue profonde qui n’a rien à voir avec le manque de volonté.
Le corps n’est pas “paresseux”.
Le cerveau pense sincèrement qu’il ne peut pas.
Quand le monde perd sa saveur
L’intéroception joue aussi un rôle majeur dans l’anhédonie - la perte de plaisir.
Prenez un moelleux au chocolat :
délicieux un jour,
écœurant le lendemain, après une intoxication alimentaire.
Le même objet, perçu différemment selon l’état du corps.
Ce phénomène s’appelle aliesthésie.
Dans la dépression, quelque chose de similaire se produit :
les objets, les relations, les activités perdent leur valeur émotionnelle
- pas parce qu’ils ont changé,
mais parce que la boussole interne n’arrive plus à les reconnaître comme source de plaisir.
Le trouble n’est pas “ dans la tête ” : il est dans l’interaction
La dépression n’est pas un nuage psychologique flottant au-dessus d’un corps neutre.
C’est un trouble de l’ajustement entre :
les signaux du corps,
les prédictions du cerveau,
et la manière dont l’un répond à l’autre.
Cette perspective rappelle que si le mouvement est difficile,
c’est parce que le système sensoriel profond est en dysfonctionnement.
Ce n’est pas un manque d’effort.
C’est une altération du lien corps-cerveau.
Retrouver un accès au vivant
Dans un travail thérapeutique, ce n’est pas seulement le récit qui se transforme.
C’est l’accordage intérieur.
Chaque fois que vous sentez :
un appui sous vos pieds,
une respiration qui s’apaise,
une chaleur dans la poitrine,
un rythme qui se stabilise,
vous créez une nouvelle manière de vous percevoir.
Une micro-réparation du lien corps-esprit.
Ce sont ces ajustements minuscules qui, peu à peu,recomposent un sentiment d’habiter votre vie -
et votre corps.
Le corps perd ses repères : comment la dépression modifie les émotions.
Laurence Sanchez - Thérapeute psycho-émotionnelle & somatique
J’accompagne depuis plus de 15 ans des personnes qui portent des blessures profondes : attachement insécure, anxiété, épuisement émotionnel. Mon approche relie corps, système nerveux et émotions, pour nourrir pas à pas un sentiment de sécurité intérieure.
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